PACA : La Camargue bioentôt classée au patrimoine mondial de l'UNESCO ?
- petitprincebandol
- 9 nov.
- 4 min de lecture

"Elle est drôlement belle et drôlement fragile" : cette association demande le classement de la Camargue au patrimoine mondial de l'Unesco
La Camargue attend son classement au patrimoine mondial de l'Unesco, pour mieux lutter contre les menaces diverses auxquelles elle est confrontée.
Réchauffement climatique, montée des eaux, développement industriel... face aux menaces qui pèsent sur la Camargue, une association entame des démarches pour obtenir son classement au patrimoine mondial de l'UNESCO. "Avant qu'il ne soit trop tard".
Depuis 2002, la Camargue sommeille sur la liste indicative de la conservation du patrimoine mondial de l'UNESCO, attendant patiemment qu'une demande de classement soit effectuée officiellement. En 23 ans, personne n'en avait eu l'idée. Des citoyens, bénévoles, ont donc décidé de s'emparer du sujet pour faire bouger les choses. Face au réchauffement climatique, ils rêvent de "décrocher le Graal", d'obtenir la sacro-sainte reconnaissance de cette zone humide menacée, au nom de son patrimoine naturel, humain et culturel. Car d'autres dangers pointent à l'horizon, il faut agir sans attendre. Le courrier, adressé au Ministère de la Transition écologique, a finalement été expédié ce lundi 3 novembre.
Rassurer et convaincre
"Voilà, c'est parti !". Véronique Jullian a contribué à la naissance de l'association la Camargue à l'UNESCO en 2023. À 63 ans, cette fille d'un manadier d'Aigues-Mortes, cherchait un moyen d'agir pour la préservation d'un territoire sauvage auquel elle est viscéralement attachée, cette Camargue "drôlement belle et drôlement fragile", qui "prend les tripes des gens", de ces paysages qui habitent ses souvenirs d'enfance. Parce que Véronique Jullian sait combien les défis qui s'avancent sont nombreux.
Une labellisation à l'UNESCO permettrait d'obtenir des fonds et des moyens pour sauver le territoire, tout en plaçant la Camargue sous le regard vigilant de la communauté internationale.
Bien que déjà labellisée réserve de biosphère depuis 1977 et inscrite dans la convention internationale de Ramsar, cette zone humide nichée dans le delta du Rhône est à présent confrontée "au changement climatique, à la pollution, à la salinité qui augmente, à la mer qui monte... c'est tout l'écosystème, faune et flore qui est fragilisé". La vice-présidente de l'association et ses camarades sont donc partis frapper aux portes des élus locaux, pour leur expliquer l'intérêt d'une telle candidature et leur faire signer la charte de soutien : "La Camargue est à cheval sur deux régions, Occitanie et Paca, sur les Bouches-du-Rhône, l'Hérault et le Gard, sur 20 communes", il fallait mettre tout le monde d'accord et rassurer, "les gens qui habitent et travaillent là, que ce soit les éleveurs de taureaux, de chevaux, des riziculteurs...".
Il faut se mettre tous autour de la table et gérer les choses ensemble. Il faut créer une "coalition camarguaise".
Véronique Jullian, vice-présidente de l'association Camargue à l'Unesco
Et le message a été entendu : une labellisation à l'UNESCO permettrait d'obtenir des fonds et des moyens pour sauver le territoire, tout en plaçant la Camargue sous le regard vigilant de la communauté internationale. "On pourrait même imaginer faire de la Camargue un laboratoire expérimental pour tester des solutions durables sur un lieu qui est en perpétuel mouvement", confirme Véronique Jullian.
"La guerre des territoires"
À ses côtés, Stephan Arnassant. Pour cet écologue qui sillonne la Camargue depuis trente ans, il est urgent, de "sanctuariser l'ensemble, l'homme et la nature, dit-il, la Camargue c'est un delta, avec une activité humaine dessus, c'est ce qui fait sa richesse". Le vice-président de l'association connaît le territoire comme sa poche, et assure qu'un classement au patrimoine mondial de L'UNESCO permettrait de financer "des actions ambitieuses sur le long terme, que ce soit sur l'hydraulique, ou la lutte contre la salinité". Mais ce qui menace la Camargue "à court terme" selon Stephan Arnassant, c'est "une guerre de territoires, de clochers, en l'absence d'une gouvernance interrégionale qui permette de mutualiser les actions, les programmes et les financements". Selon lui, la candidature ne marchera que si "nous arrivons à fédérer les deux régions et les deux départements autour de ce dossier". Une gouvernance partagée que Véronique Jullian entrevoit comme une sorte de "parlement de la Camargue".
Avant qu'il ne soit trop tard
Mais ce qui inquiète surtout Stephan Arnassant, ce sont les nouveaux enjeux industriels et les choix d'aménagement du territoire qui empiètent de plus en plus sur l'espace naturel : la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, la ligne THT, les éoliennes en mer, la création d'un pont aux Salins de Giraud, "beaucoup de projets qui gravitent autour de la Camargue et l'UNESCO a déjà tiré la sonnette d'alarme en disant : si tous ces projets se font, est-ce que la Camargue méritera toujours d'être une réserve de biosphère ?"
C'est une candidature qui va prendre cinq ou dix ans, mais si dans deux ans la Camargue est saccagée, c'est réglé. Ça n'ira pas plus loin.
Stephan Arnassant, écologue spécialiste de la Camargue
L'écologue insiste sur les "impacts cumulés" de ces projets qui auraient "des conséquences environnementales trop fortes". Il sera alors trop tard pour obtenir un classement patrimonial. Selon lui, la balle est à présent dans le camp de l'État qui devra opérer un arbitrage, définir ses priorités.
Pour Stéphan Arnassant, la candidature ne marchera que si "nous arrivons à fédérer les deux régions et les deux départements autour de ce dossier".
Pour Stéphan Arnassant, la candidature ne marchera que si "nous arrivons à fédérer les deux régions et les deux départements autour de ce dossier". • © Véronique Jullian
Le temps sera long désormais, une étude de faisabilité doit être initiée, puis le dossier suivra son cours, cela prendra plusieurs années. Pour Stephan Arnassant, c'est le "moment de vérité", mais il se dit "assez confiant : on ne va tout de même pas sacrifier 50 ans de préservation de ce territoire !".






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