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Port-Cros devient une référence pour la sauvegarde des océans


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À quelques jours de la Conférence des Nations unies sur l'océan à Nice (Unoc), le parc national de Port-Cros se distingue comme un exemple rare de protection marine efficace. Créé en 1963, ce sanctuaire méditerranéen situé entre Saint-Tropez et Marseille démontre qu'il est possible de concilier préservation de la biodiversité et activités humaines, à condition d'imposer une réglementation stricte.


Entre les eaux turquoise de la Méditerranée, un mérou curieux s'approche à quelques centimètres du garde-moniteur Vincent Bardinal. Une scène devenue banale à Port-Cros, mais qui relève presque du miracle pour cette côte méditerranéenne soumise à une intense pression humaine. "On a une très bonne image de ce que pouvait être la côte il y a peut-être 100 ans, avec une pression humaine presque inexistante", explique ce gardien du sanctuaire marin.


Dans ce parc national vieux de 61 ans, le plus ancien d'Europe dans sa catégorie, la nature a repris ses droits. S'étendant sur 1 700 hectares terrestres et 2.900 hectares marins, englobant les îles de Port-Cros et Porquerolles, ce territoire préservé fait figure d'exception dans une région touristique particulièrement fréquentée.


C'est un petit joyau, un hotspot de biodiversité. On retrouve ici quasiment toutes les espèces de Méditerranée.

Vincent Bardinal, garde-moniteur sur l'île.


Une cohabitation réglementée plutôt qu'une mise sous cloche

Sophie-Dorothée Duron, directrice du parc national, insiste sur un point crucial : ici, pas de mise sous cloche totale. "La particularité c'est d'être dans une zone très fréquentée, très anthropisée. Le pari a été de conserver la nature tout en permettant à une population de continuer à y vivre et à des touristes d'en profiter", souligne-t-elle.


Ce défi est de taille quand on sait que si les deux îles n'abritent que 350 habitants permanents, elles accueillent jusqu'à 2 millions de visiteurs annuels.


La solution ? Une gestion différenciée du territoire. "L'idée c'est de travailler sur un patchwork de zones en fonction des sensibilités de l'écosystème", précise la directrice. "Il y a des zones ultra sensibles où on réglemente voire interdit la présence humaine. Et il y a d'autres zones qui peuvent tolérer les visiteurs."


Cette approche s'applique également à la pêche. Une charte encadre depuis 1999 le travail des 24 pêcheurs professionnels autorisés à exercer au cœur du parc, tandis que 350 pêcheurs de loisir peuvent obtenir une autorisation annuelle.


Thomas Abiven, garde-moniteur, explique cette philosophie lors d'une opération de contrôle à l'aube : "L'objectif n'est pas d'exclure la pêche, mais d'encadrer une pratique traditionnelle. En contrepartie de pouvoir pêcher, ils ont l'obligation de déclarer leurs prises. Cela offre des données que l'on croise avec les scientifiques pour voir si les populations de poissons se portent bien."


Des résultats spectaculaires qui font école

Les résultats de cette protection active sont spectaculaires. La population de mérous est passée de 40 à près de 1.000 individus depuis la création du parc. Les herbiers de posidonie, véritables pouponnières marines et puits de carbone essentiels, se développent vigoureusement.


Sandrine Ruitton, enseignante chercheuse à l'Institut Méditerranéen d'Océanologie, confirme ce succès : "On observe clairement 'l'effet réserve', c'est-à-dire que la nature se porte mieux qu'en dehors du parc. Ça se voit sur le nombre de poissons mais aussi l'augmentation de leur taille moyenne."


La chercheuse utilise une métaphore financière pour expliquer les bénéfices qui s'étendent au-delà des frontières du parc : "C'est comme un coffre-fort où on fait fructifier le capital-poisson. Les intérêts vont déborder à l'extérieur et cela va permettre aux autres écosystèmes et à la population humaine d'en profiter, c'est vertueux pour tout le monde."


Ce modèle pourrait inspirer la gestion d'autres aires marines protégées (AMP).


La France en compte aujourd'hui 565 en métropole et Outre-Mer, couvrant 33 % de l'espace maritime national. Mais la réalité derrière ce chiffre impressionnant est plus nuancée.


En région Paca, on peut noter les AMP sur l'archipel des Embiez, Port-Cros, la rade d'Hyères, la baie de La Ciotat ou encore aux îles de Lérins.


Le bien connu sanctuaire Pelagos est aussi une aire.


"L'appellation d'AMP ne veut rien dire, il y en a dans lesquelles on peut chaluter", s'insurge François Sarano, océanologue et ancien collaborateur du commandant Cousteau. "La définition comprend diverses petites réglementations mais c'est totalement insuffisant."


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À l'approche de la Conférence des Nations unies sur l'océan qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin, Port-Cros s'impose comme une référence et un laboratoire à ciel ouvert. "Port-Cros n'est pas un conservatoire du passé, c'est un endroit qui nous montre le futur en intégrant la question de la pollution et du réchauffement climatique", conclut François Sarano, qui espère que ce sommet international aboutira à des "règles beaucoup plus strictes" pour les aires marines protégées.


Entre deux îles paradisiaques de la côte varoise, ce petit bout de Méditerranée préservée nous rappelle qu'un autre avenir est possible pour nos océans, à condition d'en faire une priorité.

 
 
 

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